Crédits photographiques : Brittle Heaven
Tout d’abord, il y a ces paroles :
So many feelings
End up in here
Left so alone I’m with
The one I most fear
I’m sick and I’m tired
Of reasoning
Just want to break out
Shake off this skinI can’t escape myself
All my problems
Loom larger than life
I can’t swallow another slice
Seems like my shadow
Marks every stride
Can I learn to live with
What’s trapped insideI can’t escape myself
Ces paroles, ce sont celles de “I Can’t Escape Myself”, le titre d’ouverture de Jeopardy, premier album de The Sound sorti en 1980, lequel devait faire connaître le groupe au plus grand nombre et lui valoir une critique dythirambique dans le Times, sous la plume de Richard Williams, journaliste et critique musical anglais.
« I Can’t Escape Myself » (Jeopardy, 1980)
Adrian Borland, son fondateur, était un contemporain de Ian Curtis. Alors que Warsaw, le groupe qui allait devenir Joy Division, commençait à se produire à Manchester, Borland faisait ses débuts dans les clubs punk de la scène londonienne (Roxy, Vortex) avec « The Outsiders », la première incarnation de son groupe. Quelques rencontres, une nouvelle formation, et un passage sur la célèbre émission de John Peel à la BBC allaient propulser le groupe sur le devant de la scène.
Jeopardy et From the Lion’s Mouth, les deux premiers albums de The Sound, forment également les deux piliers centraux du groupe, autour desquels se définit toute la puissance évocatrice du groupe, mếlant avec le talent des plus grands la belle et abyssale froideur contemplative du post-punk avec la simplicité et l’efficacité des rythmes, des accords et des effets (guitare et synthétiseur).
« Winning », issu de From the Lion’s Mouth, en concert à La Edad de Oro à Madrid (1984)
Pour des raisons qui ne tiennent finalement pas à grand-chose, The Sound n’a jamais vraiment connu la célébrité que le groupe aurait légitimement pu espérer. Après le succès relatif ayant suivi les deux premiers albums, le groupe est retombé dans une quasi-confidentialité, malgré le passage au statut de groupe culte dans une certaine scène européenne. (voir ci-après)
Durant toutes ces années, Borland, quant à lui, n’en finit jamais vraiment de lutter contre des phases de mélancolie, voire de dépression profonde, entrecoupées de projets en solo et de production d’artistes. En 1999, il mit fin à ses jours en se jetant sous un train à la gare de Wimbledon, au sud-ouest de Londres.
A la fin de l’année 2016, deux cinéastes néerlandais, un producteur et un réalisateur, le premier grand amateur de The Sound et ayant pris contact avec le père d’Adrian Borland, le second immédiatement touché par ce groupe qu’il ne connaissait pas, ont décidé de partir sur les traces du groupe afin de réaliser le premier véritable documentaire sur The Sound. Présenté en sélection officielle au festival international d’Amsterdam (IDFA 2016), ce documentaire, intitulé « Walking in the Opposite Direction », du nom d’une chanson de Borland, n’est pas encore distribué. Néanmoins, si vous êtes dans les parages cet été, Secret Fires Magazine a bon espoir de vous le présenter en exclusivité sur les collines du Jura…
-Pete a.k.a. Freddy Van Ballast
Trailer de « Walking in the Opposite Direction » (2016), le documentaire de Marc Waltman et Jean-Paul van Mierlo
The Sound et les prophètes du Continent
Lancez une rapide recherche sur YouTube, et vous remarquerez que l’extrême majorité des documents visuels (concerts en live, documentaires, interviews) sur The Sound proviennent de l’Europe continentale – avec il est vrai l’exception notable des sessions à la BBC. Pourquoi ?
Il se trouve que par plusieurs aspects, The Sound se présente comme un membre à part entière de cette communauté d’artistes anglo-saxons (anglais, américains, australiens, …) rattachés au monde du post-punk par une proximité plus intuitive que musicale, qui ont trouvé le succès dans des endroits bien précis du Continent européen au tournant des années 1980. Par une similitude de coloration, ces artistes se sont en effet retrouvés dans une même scène, rattachés par des liens évanescents, alors que formellement, ils appartenaient à des genres aussi différents que le punk, le folk ou encore une sorte de proto-synthpop.
Au risque d’être fastidieux, permettons-nous un court inventaire et affirmons que, telle la structure d’une toile d’araignée, de nombreuses connexions peuvent être tirées entre des artistes tels qu’Adrian Borland, David Eugene Edwards, Jeffrey Lee Pierce, Nick Cave, Rowland S. Howard, Siouxsie Sioux (anglo-saxons) – avec en toile de fond Ian Curtis, disparu trop tôt pour en faire partie, ou encore Beate Bartel, Chrislo Haas et Gabi Delgado-Lopes (allemands). Géographiquement aussi, certains lieux reviennent plus souvent qu’à leur tour : l’Allemagne (Ruhrgebiet et Berlin, par le SO36 à Kreuzberg), les Pays-Bas (avec les rockumentaries sous-titrés en néerlandais de la chaîne VPRO, la salle Paradiso à Amsterdam, le festival No Nukes à Utrecht, …), Madrid (La Edad de Oro) et le « Vlaamse Ruit » en Belgique (losange formé par les villes de Bruxelles, Louvain, Anvers et Gand).
Discographie
1980 : Jeopardy
1981 : From the Lion’s Mouth
1982 : All Fall Down
1984 : Shock of Daylight
1985 : Heads and Hearts
1987 : Thunder Up
1999 : Propaganda (demos, album qualifié de « chaînon manquant » entre The Outsiders et The Sound)
2004 : The BBC Recordings (quatre sessions à la BBC)
Références
Heavisides, Simon et Bootsma, Rients, « An introduction to the sound of The Sound », Brittle Heaven, 2013. En ligne : <http://www.brittleheaven.com/biography/the-sound.html>, consulté le 24 février 2018.
Perrone, Pierre, « Obituary: Adrian Borland », The Independant, 17 mai 1999. En ligne : <http://www.independent.co.uk/arts-entertainment/obituary-adrian-borland-1094299.html>, consulté le 24 février 2018.
Reynolds, Simon et de Hesin, Aude (trad.), Rip it up and start again, Paris, Editions Allia, 2014.
Waltman, Marc, Walking in the Opposite Direction, Stichting Opposite Direction, Pays-Bas, 2016. En ligne : <http://www.walkingintheoppositedirection.info/>, consulte le 24 février 2018.